Camille
LE VOYAGE SENSIBLE
Connaissez-vous le syndrome de Florence ? Lors de son premier voyage dans la cité au lys rouge, Stendhal aurait été submergé par la beauté architecturale et les nombreux chefs-d’œuvre abrités par les musées de la ville au point de s’évanouir. Ce phénomène psychosomatique peut être expérimenté par les voyageurs lorsqu’ils sont confrontés à une nouvelle culture et une réalité parfois très éloignée de leur quotidien. Ce que l’on pourrait appeler un trop-plein d’empathie esthétique dans le cas de Stendhal s’apparenterait à un délire mystique dans le cas du syndrome de l’Inde, ou à un épisode dépressif dans le cas du syndrome de Paris. Derrière ces réactions incontrôlées, s’exprime une sensibilité élevée, ce qui me mène à faire un parallèle avec la notion d’hypersensibilité à travers le voyage.
C’est quoi l’hypersensibilité ?
L’homme est par essence un être sensible. Certains le seraient plus que d’autres, ou peut-être est-ce simplement une sensibilité qui s’exprime différemment, plus intensément. Il semble important de souligner qu’il n’y a pas une seule forme d’hypersensibilité. Elle peut s’exprimer d’une multitude de façons, d’une personne à une autre, d’une situation à une autre. Chez certaines personnes, elle se traduit dans leur manière d’être, de réagir physiquement aux stimuli et aux événements extérieurs. Leur sensibilité affecte leur manière de se comporter dans leur environnement. C’est en quelque sorte la partie émergée de l’iceberg, visible de l’extérieur. Pour d’autres, elle va s’exprimer davantage intérieurement. Il s’agit d’un ressenti, d’une façon de percevoir le monde. C’est par exemple le cas des personnes avec une vie intérieure riche, une tendance à la rêverie et la contemplation.
Comment cette caractéristique se manifeste dans notre vie ?
(Hyper)sensibilité est synonyme de réceptivité, d’empathie, d’ouverture, de curiosité.
C’est une aptitude essentielle pour appréhender les relations humaines et entreprendre de nouveaux projets. Cette sensibilité, dans ses aspects moins positifs, peut avoir des répercussions plus ou moins inconfortables : une hyperactivité mentale, des difficultés de concentration, dans la gestion des émotions, dans la prise de décisions, une fragilité identitaire, voir des réactions psychosomatiques dans le cas de notre cher ami Stendhal. Pour ne pas subir cette hypersensibilité, il peut être intéressant d’aller à sa rencontre. Cela peut mener à des voies sans issue, des chemins sinueux, effrayants parfois. C’est pourtant une étape nécessaire pour la comprendre et l’utiliser à bon escient, car l’hypersensibilité peut être un vrai cadeau si on décide qu’elle le soit, lorsqu’on lui trouve son utilité.
Comment partir à la rencontre de son hypersensibilité ?
Le voyage est l’un des possibles chemins pour partir à sa rencontre et en faire une alliée. Les voyages sont des expériences puissantes, nourrissantes et transformatrices. Un changement d’environnement permet d’acquérir un état d’esprit plus réceptif. Prendre du recul permet de voir plus loin et de s’ouvrir à une multitude de possibilités. Grâce à la découverte d’une nouvelle culture, d’une nouvelle langue, la rencontre de l’autre, le voyage engendre une hyperstimulation qui permet de vivre dans l’instant présent et d’apaiser le mental. Cet environnement est favorable à la construction d’une banque de souvenirs qu’il est plus difficile d’alimenter dans la routine quotidienne. À l’image de la madeleine de Proust, le souvenir d’un délicieux repas, d’une randonnée revigorante ou d’un paysage majestueux est associé à une émotion positive. Ces images sensorielles permettent de créer ce que l’on pourrait appeler des ancrages émotionnels. Le simple fait de se remémorer ces souvenirs nous amène à revivre ces mêmes sensations, ce qui favorise une meilleure gestion des émotions et des situations au quotidien.
« Je suis un grand fan des treks en montagne. Celui qui m’a le plus marqué, c’était en Argentine dans la cordillère des Andes. Lorsque je me retrouve face à un paysage qui m’inspire, je prends l’habitude de me poser quelques minutes, seul, pour en ressentir l’atmosphère, les couleurs, les formes, les sons, les vibrations.
Ça me ramène à l’essentiel. C’est quelque chose que j’essaie de mettre en application dans mon quotidien, lorsque j’ai besoin d’avoir les idées claires.
Je pense que la nature nous apaise et nous donne les réponses.
Il suffit de lever les yeux vers le ciel pour s’en rappeler. » Alessandro
Le voyage est également un formidable outil pour gagner en confiance et développer ses compétences interculturelles. Voyager, c’est s’extraire temporairement de la zone du connu dans laquelle nous sommes confortablement (ou pas) installés. L’expérience interculturelle présente des situations qui demandent flexibilité et adaptation. L’apprentissage d’une nouvelle langue et la rencontre d’un nouveau mode de pensée sont autant de situations qui nous invitent à modeler temporairement notre perception des choses et des autres, en se détachant de notre filtre culturel. Adapter notre manière d’aborder la réalité, c’est faire preuve d’une sensibilité culturelle. Cela nous donne la possibilité d’aller davantage en profondeur dans la compréhension des situations, ce qui favorise l’émergence de nouvelles idées et projets.
« Lorsque j’ai décidé d’effectuer une mission de volontariat à l’étranger, j’étais loin d’imaginer à quel point j’en reviendrai transformée. C’est une nouvelle réalité qui s’offre à nous. Cela nous permet d’apprendre des autres, de changer notre regard sur les choses et de développer une certaine forme de sagesse culturelle grâce au dialogue interculturel. Si je n’avais pas ouvert cette porte, je n’aurais pas pu voir les opportunités qui s’y cachaient derrière. Ça a eu des répercussions à tous les niveaux, aussi bien personnel que professionnel. En 6 mois, j’ai vécu 6 ans. » Marie
Aussi, de manière plus subtile, mais tout aussi importante, le voyage permet de développer son intuition grâce à l’acquisition d’un état d’esprit plus ouvert et plus à l’écoute. Cette ouverture permet d’accéder de plus en plus facilement à notre boussole intérieure. Elle est d’une grande richesse, car elle permet de se connecter à nos ressentis. Accéder à ses ressentis, c’est prendre conscience de ce dont on a réellement besoin et envie, ce qui est l’une des précieuses clés pour faire des choix qui sont alignés avec soi et profiter pleinement de chaque expérience qui se présente à nous.
« La sensibilité de chacun, c’est son génie » Charles Baudelaire