Camille
LE VOYAGE INVERSÉ
"Demain, je rentre. Ça y est, c’est fini. 8 mois. Mon expérience en Arménie prend fin.
Une parenthèse qui touche à sa fin dont je veux me rappeler chaque instant.
8 mois intenses, festifs, émouvants, culturels, et inspirants. Il m’est impossible d’imaginer reprendre le quotidien d'avant, la vie a bien plus à nous offrir.
Des rencontres, des paysages, des histoires.
Que va-t-il en rester ? Que vais-je retrouver ?
Je me suis nourrie des musiques, des danses, des fêtes, des jingalov hats, des voyages, des couchers de soleil, des étoiles, des taxis, des routes cabossées ...
La vie a tellement à donner. Comment savoir où aller ?
Des milliards de possibilités s’offrent à nous. "
Extrait de journal "Arménie, journey of self-discovery"
En relisant ces quelques lignes, je réalise à quel point une expérience à l'étranger peut avoir un impact dans une vie et dans le développement de la personne.
En ce qui me concerne, c'était une expérience référente qui m'a donné l'envie de vivre à nouveau l'expatriation dans un pays géographiquement et culturellement plus proche de la France, au-delà d'une simple parenthèse de vie. J'ai fait le choix de repartir au bout d' 1 an, pour l'Italie cette fois. Vous l'avez compris, le voyage du retour n'est pas toujours synonyme de retour à la vie d'avant.
C'est quoi le voyage inversé ?
Plus communément abordé sous la notion de "choc culturel inversé", il s'agit d'une période de transition entre la vie que l'on menait dans notre pays d'accueil et le quotidien que l'on retrouve dans notre pays d'origine. Cette période peut être plus ou moins bien vécue si on l'anticipe. Autant se préparer à la vivre, car personne n'y échappe, même ceux qui prétendent le contraire. Le processus psychologique est à mon sens sensiblement le même que lorsque l'on arrive dans un nouveau pays.
On repasse plus ou moins par les mêmes étapes à savoir une phase de (re)découverte de son pays. On est heureux de revoir sa famille, ses amis, de retrouver ses habitudes. Les premières semaines, on retrouve les bons petits plats de maman et les planches de fromages avec les copains.
Jusqu'ici, c'est plutôt cool !
Ensuite, cette phase de redécouverte laisse place à la phase d'atterrissage.
On a terminé de partager photos, souvenirs, anecdotes. On doit à nouveau s'intégrer dans notre environnement et on se rend compte que même si on est de retour en terre connue, c'est pas aussi simple que ça. À l'étranger on acquiert de nouvelles habitudes, notre regard change, notre rapport aux autres et au monde n'est plus le même. Notre identité, notre éducation, nos valeurs et nos croyances sont remises en question. Ces changements sont plus ou moins ancrés en nous en fonction du pays et de la durée d'expatriation. Cela peut engendrer une sensation de décalage et d'incompréhension avec notre entourage qui n'est bien évidemment pas passé par les mêmes étapes que nous au cours des derniers mois/années. On a changé, mais notre environnement est sensiblement resté le même. C'est comme si on l'avait mis sur pause le temps de notre expatriation.
On s'attend à ce qu'il ai évolué comme nous, mais on retrouve les mêmes histoires, les mêmes personnes, et les camel sont toujours à 10,30€, alors qu'elles étaient 3 fois moins chères à l'étranger (fumer tue et pollue). La vie semble bien moins excitante tout d'un coup.
Lorsque l'on a terminé de tout comparer, arrive alors la phase finale du processus de réadaptation. On reprend notre quotidien, ou on en construit un nouveau, sans pour autant faire le deuil de ce que l'on a vécu et des changements qui se sont opérés en nous. Ce nouveau regard sur la vie est une richesse et il mérite d'être entretenu. L'une des façons de l'entretenir est de faire la rencontre d'expatriés avec qui partager nos expériences. En ce qui me concerne, j'ai eu la chance de rencontrer des français en Arménie avec qui j'ai gardé contact et que j'ai régulièrement revu de retour en France.
De quelle manière aborder son retour ?
La meilleure façon d'aborder son retour est de l'anticiper, dans un premier temps par la recherche d'un travail et d'un logement, ne serait-ce que pour assurer les besoins de sécurité. Puis, si vous êtes au clair dans vos intentions et si vous mettez en place une nouvelle dynamique, la transition sera d'autant plus rapide et facile à vivre. Toutefois, il est important de se laisser le temps de digérer et d'assimiler ce que l'on a vécu. J'ai rencontré des personnes qui avaient trop bien anticipé leur retour, si bien qu'elles n'ont pas pris ce temps nécessaire. L'effet boomerang s'est manifesté d'autant plus intensément près d'un an après. De la même manière, certaines personnes traversent une période de passage à vide avant même de terminer leur expérience.
Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de bonne ou mauvaise manière d'appréhender les choses et nous ne sommes pas tous égaux face à la gestion des événements et des émotions. À ce propos, autorisez-vous à ressentir vos émotions. C'est ok de se sentir triste, perdu, nostalgique au retour d'un voyage. Ce ne sont pas des émotions négatives, au contraire. Ce sont des indicateurs de besoins qui aident à avancer dans la bonne direction. Et petit à petit, la nostalgie des souvenirs laisse place à la gratitude de ce que l'on a vécu. Il ne tient qu'à nous de choisir la façon dont nous souhaitons commencer le chapitre suivant et quelle direction nous voulons lui donner.
Et vous, comment s'est passé votre voyage inversé ?