Camille
L'ART DU CAFÉ
Un macchiato, per favore
Lundi matin, Piazza Navona.
Les quelques rayons de soleil se reflètent sur les pavés de cet ancien stade romain.
Les cafés sont ouverts, les terrasses font à nouveau parti du décor.
Les garçons de café s’agitent timidement.
L’odeur du café s’entremêle au doux sentiment de liberté.
L’amertume du souvenir des derniers mois laisse place aux espoirs à venir.
Oui, ce petit rituel matinal nous avait bien trop manqué.
Quel lien peut-on faire entre le café, le voyage et la culture ?
Si nous pensons en premier lieu à la cuisine lorsque nous abordons la culture d’un pays, le café est également un marqueur identitaire à fort rayonnement, étant l’une des boissons la plus consommée au monde. Découvert dans l’actuelle Éthiopie,
le café s’est rapidement répandu dans l’empire Ottoman pour continuer son voyage aux quatre coins du monde tout en s’imposant petit à petit dans l’espace public, jusqu’à donner naissance aux cafés que l’on fréquente aujourd’hui.
Le café est partout, pour tous. Sa consommation est universelle, mais les modes de préparation et de dégustation divergent d’un pays à un autre. Qu’il s’agisse du café grec, du café turc, du café arménien, du café italien, le café nous renvoie à l’importance du savoir-faire et des traditions. En Europe, l’un des premiers cafés parisiens aurait été établi par un cafetier arménien. Quelques années plus tard,
il sera racheté par l’italien Francesco Procopio qui donnera naissance au Café Procope, lieu de rendez-vous des intellectuels de l’époque.
Espresso o lungo ? Cappuccino o macchiato ?
Le café italien est réputé pour son goût intense et ses multiples variantes de consommation. On ne compterait pas moins de 50 manières de le consommer,
de quoi réjouir Balzac qui en buvait tout autant quotidiennement. Certains l’aiment fort et amer, d’autres le préfèrent doux et onctueux. Moins d’amertume, plus de mousse … Dis-moi quel café tu bois et je te dirai qui tu es. Si le mode de préparation relève d’un savoir-faire, la dégustation du café relève d’un savoir-être.
Dans la péninsule italienne, le caffè est toujours accompagné d’un verre d’eau afin de préparer le palais à recevoir et apprécier jusqu’aux notes les plus subtiles de cette expérience sensorielle. Car le café ne se boit pas, il se déguste à l’image d’un grand cru. Et comme tout bon vin qui se respecte, le contenant de ce précieux nectar n’est pas laissé pour compte. Il peut être servi au verre ou à la tasse.
Pour les amateurs de café, nul ne doute que le goût et l’arôme sera plus ou moins intense si vous le dégustez al vetro o in tazza.
Le café serait-il la potion magique d’une société solidaire et humaniste ?
Le café nous ressemble, le café nous rassemble. Qu’il soit un moment d’échange ou un moment pour soi, l’instant café peut également être abordé comme facteur de lien social. À l’image de la pause cigarette, la parenthèse caféinée est un intermède propice à la socialisation. En effet, la pause-café instaure une atmosphère de proximité qui donne naissance à de nouvelles idées stimulantes, favorise les confessions les plus intimes et révèle les histoires de vie les plus inspirantes.
L’esprit éveillé laisse place à l’inspiration. L’inspiration laisse place à de nouveaux possibles.
À la croisée de l’empathie, de la solidarité et du bien-être, le café diffuse de multiples valeurs. En témoigne le concept du café solidaire, inspiré du caffè sospeso originaire de la ville de Naples. Le principe est simple : consommer un café, en payer deux et vous ferez un heureux. Si le concept n’a pas encore complètement déposé ses valises en dehors de l’Italie, il est ici communément pratiqué.
En Arménie, nul besoin de café suspendu. Ce breuvage d’affirmation identitaire témoigne de l’hospitalité de tout un peuple. Le café arménien adouci les mœurs, fortifie les relations et diffuse une atmosphère chaleureuse. Ambassadeur d’une culture, le surch permet de se définir et de se redéfinir dans la rencontre avec l’autre. En instaurant un espace de communication, il permet le dialogue et donne vie à « l’être ensemble ». Car le café ne se fait jamais attendre, il se présente à vous, même là où vous vous y attendez le moins. Au détour d’une rencontre fortuite ou d’une aire en bord de route, le café saura vous faire apprécier ces quelques moments en suspens avant même que vous ne puissiez en réaliser la beauté
et la générosité.
Il donne le ton à notre journée.
Il met nos sens en éveil.
Il nous ramène à la saveur de l’instant présent.
Il permet de se retrouver, de réfléchir et se réfléchir.
Lorsqu’il est terminé, sa saveur reste en bouche.
Son arôme laisse place au sens des choses.
Oui, le café est un art.
Il conto, per favore
Bibliographie :
Fourcade (Marie-Blanche). 2005. « Autour d'un café arménien. La rencontre d'un goût, le partage d'une expérience diasporique ». Persée.<www.persee.fr/doc/diasp_1637-5823_2005_num_7_1_1013>
Bélanger (David), Carrier-Lafleur (Thomas). 2015. « Enquête sur l’absurde dans le café romanesque français des années 1930-1950 ». Implications-Philosophiques. <http://www.implications-philosophiques.org/actualite/une/le-cafe-ou-le-neant/>