Camille
L'ART DE PARLER
En Italie, la notion de « langue vivante » prend tout son sens. Lorsqu’ils s’expriment,
les italiens parlent beaucoup avec leurs mains. Ces gestes théâtraux ont une signification bien particulière et peuvent même remplacer les mots dans certaines situations. A noter qu’ici, on parle de manière générale assez fort et on joue sur les intonations pour donner vie à nos propos. Parler est tout un art.
Pourquoi les Italiens parlent avec leurs mains ?
La raison est essentiellement historique et culturelle. Plusieurs théories proposent une explication à ce phénomène. L’Italie a été le théâtre d’invasions successives depuis l’époque Antique. Les Napolitains ont développé une manière alternative de s’exprimer avec leurs mains qui s’est répandue dans les autres régions d’Italie.
Cela permettait de communiquer de façon « codée » sans être compris des peuples occupants. La ville de Naples a également été un lieu de commerce maritime grâce à son port et l’utilisation des mains permettait de marchander plus facilement. Pour d’autres, l’usage des mains s’est développé pour pallier l’absence d’un italien officiel aux profits de dialectes régionaux. Enfin, cette façon de communiquer illustre le caractère volubile des Italiens qui aiment se donner en spectacle à l’image de la commedia dell'arte. Une chose est certaine, certains de ces gestes sont restés dans le langage courant et font partie intégrante de la communication.
Dans les faits ça donne quoi ?
J’ai à plusieurs occasions eu le plaisir d’assister à des conversations animées, notamment lors d’aperitivi avec des amis italiens. Je me souviens particulièrement d’un échange que nous avons eu à propos des différences culturelles. Nous ne partagions pas le même avis sur certains points. Le ton montait au fur et à mesure de la discussion et je voyais l’un d’entre eux se comporter d’une manière qui m’était tout à fait étrangère. Il reproduisait un geste étrange et répétitif, en rassemblant le bout de ses doigts près de sa bouche. D’un regard extérieur, cela ressemblait vaguement à une sorte de bec d’oiseau. Par analogie, on aurait pu penser qu’il souhaitait goûter aux délicieux antipasti, le buffet n’étant jamais très loin.
J’étais loin du compte. Littéralement parlant, cela voulait dire : Ma che cazzo dici ?
Mais qu’est-ce que tu dis ? Ce n’était donc pas la vue alléchante des bruschette qui le mettait dans cet état, mais les propos tenus par son interlocuteur.
Suite à cela, j’ai eu le droit à un cours particulier sur la langue des gestes italienne.
Il en faudra encore quelques-uns pour comprendre et intégrer la gestuelle de mes nouveaux voisins.
Cette histoire, parmi tant d’autres, illustre la notion de langue vivante.
Apprendre une nouvelle langue, ce n’est pas uniquement une question de vocabulaire, de grammaire, de syntaxe ou d’accent. C’est aussi apprendre à penser, à ressentir et à transmettre un message.
C’est comprendre et intégrer les codes d’un pays.
C’est faire preuve d’altérité, de tolérance et d’empathie.
Derrière chaque langue, se cache une conception du monde, une représentation unique qui s’exprime à travers des concepts, des expressions, des mots, des gestes. Cela se traduit dans notre manière de nous exprimer et de nous comporter.
La communication est propre à chaque pays et chaque région.
Elle est culturelle et identitaire. La façon dont communiquent les italiens donne une place importante à la communication non-verbale. L’art de parler, c’est aussi être capable de dire sans avoir recours aux mots, par les gestes, par l’expression corporelle, pour assurer une bonne transmission du message.
Comment s’assurer de la bonne transmission d’un message ?
Cela passe par la compréhension et l’utilisation du mode de communication de son interlocuteur. Le mimétisme comportemental peut être l’une des façons d’y accéder. En agissant par mimétisme, nous avons recours aux mêmes mots, gestes, réactions, expressions verbales et corporelles. Lorsque l’on se calque sur son mode de communication, notre réceptivité et la sienne sont davantage développées,
de manière non-consciente. Aujourd’hui, il existe une multitude de techniques pour
« mieux » communiquer telles que la psychologie inversée ou encore la programmation neurolinguistique. Elles peuvent être utilisées dans une approche marketing ou thérapeutique, mais il peut être également intéressant de les exploiter à titre personnel, pour améliorer notre compréhension de l’autre, de nous-même, et ainsi développer notre intelligence émotionnelle.
Comment s’assurer de la bonne perception d’un message ?
Aussi, lorsque nous communiquons, nous avons recours à 3 canaux de communication principaux : visuel, auditif et kinesthésique. Chez la plupart des gens, il existe une dominante qui s’exprime de façon plus importante que les autres.
Il peut être utile de connaître notre canal de communication principal, car cela conditionne en parti la manière dont nous percevons notre environnement.
En avoir connaissance permet de comprendre comment nous interagissons avec le monde qui nous entoure. En fonction de notre profil de compréhension, nous intégrons et transmettons l’information de différentes manières.
Par exemple, une personne qui utilise majoritairement le canal visuel perçoit l’information à travers des images mentales, une personne auditive assimile plus facilement l’information en adoptant une posture d’écoute, une personne kinesthésique s’approprie l’information de manière corporelle.
Ainsi, notre réalité n’est pas toujours identique à celle de notre voisin. Elle est liée à notre culture, nos croyances, notre profil de compréhension. Si nous en prenons conscience, nous pouvons adapter notre manière de communiquer afin d’améliorer la qualité de nos échanges, nos compétences interpersonnelles et interculturelles.
Prononcer une parole, c'est créer un monde.
C’est proposer une réalité et l'offrir à la personne à laquelle on s'adresse.